samedi 21 juin 2014

Une autre maison blanche

Quand il nous arrive de belles choses il est normal de les faire partager, surtout quand c'est le jour anniversaire de la librairie (6 ans aujourd’hui).
L'association Grandir d'un monde à l'autre a mis ParChemins à l'honneur dans son édito d'été. Cette association est aussi éditeur (les éditions d'un monde à l'autre) et j'ai eu l'occasion de les recevoir en 2013 pour une rencontre publique. Leurs publications sont évidemment en bonne place dans la librairie.  Très grand merci à Marie Odile pour ce bel hommage.
www.mondealautre.fr

Une autre Maison Blanche


Sa maison blanche est perchée tout là-haut, à l’estuaire des ruelles qui ravinent l’une vers l’Abbatiale et son point de vue, l’autre vers un ailleurs labyrinthique d’ancien et de nouveau où se côtoient échauguettes et néons lumineux.
Sa maison blanche a souvent la porte ouverte, j’y frapperais volontiers parce que c’est comme chez elle et que, la porte franchie, sans aucun Sésame, on y est presque comme chez nous.
Elle, la maîtresse de maison, préside depuis quelques années derrière son comptoir, un  comptoir rehaussé depuis quelques semaines, qui cache avec délicatesse à nos yeux pudiques de rêveur et de lecteur, l’arrière-cuisine commerciale constituée de tickets, de logiciels-ciel sans le bleu des cieux, de factures et autres carnets informatisés de nos achats, points de réduction et commandes.

À l’arrière, à gauche, une vraie maison de poupée, petit banc, petite table, petit tapis où on s’étonnerait à peine de retrouver autour d’un thé, Alice, accompagnée de la Dame de cœur, Boucle d’Or et ses trois Ours, un Loulou de Solotareff, un œil aux aguets sur le Bouffron-Gouffron de Ponti planqué derrière la fenêtre.

À l’arrière encore, le bar, avec pots de biscuits, tasses, verres, cuillers, tout le nécessaire à salon de thé et dégustation. Un bar où l’on se serre les soirs d’hiver après les rencontres, les mots susurrés, les images envolées et les décorticages d’écriture partagés. La tisane est fumante, le miel provient de l’apiculteur du village voisin, le jus de pomme coule à flots et la détonation des bouchons passe quasi inaperçue dans le brouhaha des conversations. Après l’écoute buvard, la récréation bavarde encre parfois nos lèvres de rouge saumurois ou de rosé provençal. Contre le bar jonché de verres à pied presque vides, les professeurs de français s’acoquinent avec les bibliothécaires attendries de fatigue, les jeunes formatrices en écriture aux yeux pétillants câlinent du regard les écrivains et les poètes qui ne savent plus où donner de la tête, du verbe et du sourire, en une glissade vertigineuse de la solitude scripturale à la notoriété d’un soir.

Sur les murs, on y feuillette à chaque saison des images de toutes sortes, au fusain, à l’encre, à la peinture, au papier collé. Argentiques, numériques, descendues des cimaises, des fils presque invisibles déploient dans un balancement gracile des mots en images, des impressions, des suppositions, des espoirs juste dévoilés, des désespoirs qu’on ne peut masquer.

Et puis, dans la maison blanche, partout, en haut, en bas, contre les murs, si près du sol que les titres pourraient s’y refléter si le carrelage était un miroir, calés les uns contre les autres, empilés, serrés, sériés, classés… les livres.
La table des nouveautés, des coups de cœur, des futurs auteurs invités, des anciens passés, repassés, jamais dépassés, et qu’elle veut défendre encore quelques jours, la présidente-résidente des lieux, parce que vraiment ça vaut le détour, que ça cause à la tête et au cœur et autres mille bonnes raisons de ne pas le glisser, ce dernier ouvrage, sous la pile de l’étagère du fond, pas encore, pas déjà, on ne sait jamais, s’il trouvait « son lecteur » de plus.

À la maison blanche de St Florent-Le-Vieil, il y a Michèle*, la libraire, celle qui nous accueille même le dimanche, qui, toujours enthousiaste, organise, gère, invite, les auteurs, les livres, les soirées partage de coups de cœur littéraires…

Et qui reste attentive et ouverte à toutes les parutions des Éditions d’un Monde à l’Autre, qui accroche aux cimaises les illustrations de Marie-Cécile Distinguin-Rabot quand l’exposition** tourne, qui fait patiemment le point avec moi sur les ventes de nos livres. Qui joue le jeu avec les petits éditeurs, locaux ou pas. Elle les connaît souvent personnellement ces petits éditeurs, nous résume l’historique de ces passions nées entre un éditeur et les livres qu’il édite. Que l’histoire soit fulgurante ou qu’un véritable amour se construise et s’enrichisse de nouveaux textes !

Alors, nous, aux Éditions d’un Monde à l’Autre, petit éditeur, membre de cette famille récemment rassemblée en Collectif***, si nous tenons à remercier tous ces libraires qui portent, défendent becs et ongles et accompagnent depuis des années nos publications vers les lecteurs, nous souhaiterions qu’un nombre croissant des valeureuses librairies des Pays de la Loire laisse éclore sur leurs tables les mots que les petits éditeurs de la Région, qui n’ont parfois pas de diffuseur, choisissent d’y déposer.

En attendant, tout là-haut, comme chaque jour de beau temps, Michèle, la libraire de ParChemins, a certainement laissé la porte de sa maison blanche ouverte !


Marie-Odile Houssais
Administratrice de Grandir d’un Monde à l’Autre
et coordinatrice du Comité de lecture des Éditions d’un Monde à l’Autre.

* Michèle Germain, libraire de ParChemins http://librairieparchemins.blogspot.fr/
** Exposition d’illustrations originales de l’album « Le fil d’argent » chez Alix Editions et, diffusé par nos soins, en location (infos : 09 72 39 82 86). Marie-Cécile Distinguin-Rabot a également illustré « Lulu l’échalas », paru aux Éditions d’un Monde à l’Autre.

*** Collectif des éditeurs des Pays de Loire https://www.facebook.com/CollectifDediteursDesPaysDeLaLoire

1 commentaire:

Claire D. a dit…

Un joli texte, mérité, à l'image de ta très jolie librairie, Michèle... Bon anniversaire et longue vie à Parchemins !
Claire